Editorial
Bien chers amis, membres et sympathisants,
Entre la fin de l’été avec nos vacances à la mer ou à la montagne et le début de l’hiver avec le retour des marchés de Noël, il me parait judicieux de se poser la question de ce qu’on appelle désormais le surtourisme. Cette réflexion est aussi liée à la parution dans cette Lettre d'information du portrait de Loïc Guyader, responsable de l’Unité des guides au Haut-Koenigsbourg, qui nous livre un témoignage exceptionnel sur l’envers du décor, l’affairement en cuisine pour assurer le coup de feu permanent de l’accueil des visiteurs.
La France est en effet depuis plus de 20 ans la première destination touristique du monde. On estime qu’ils étaient 100 millions de visiteurs venant de l’étranger en 2023, un chiffre obtenu à partir des décomptes de nuitées payantes et de leurs autres dépenses. Cette même année, on a compté 450 millions de nuitées touristiques en hébergement collectif et plus d’un milliard de nuits de Français ayant dormi en-dehors de leur domicile à l’occasion de voyages pour motifs personnels en France ou à l’étranger (source INSEE).
Ces chiffres donnent le tournis. Que font toutes ces personnes qui se déplacent pour leurs loisirs ? À côté de vacances pour se promener, faire du sport ou voir familles et amis, une grande partie en profite aussi pour se cultiver, en découvrant musées et monuments, villes et villages.
Que faisons-nous, membres de la SCMHA, intéressés par définition par la découverte de nos patrimoines ? Pour ma part, en décembre, et sans doute comme beaucoup de monde, je fuirais les marchés de Noël, dont la magie ne marche plus, du fait du trop-plein de visiteurs et de l’achalandage affligeant des boutiques. Cet été, par contre, je suis parti en famille en Bretagne. À l’aller, nous avons d’abord souffert des énormes difficultés de circulation en région parisienne. Sur place, nous avons apprécié le calme d’un gîte en bordure d’un hameau arboré mais pesté contre la horde de touristes agglutinés dans les ruelles et surtout restaurants de Saint-Malo. Voulant revoir le Mont Saint-Michel après les importants travaux récents de désensablement, nous avons découvert de judicieux aménagements d’accueil extérieur, avec des parkings très étendus mais rendus invisibles depuis le Mont par des rideaux de végétation, un cheminement piéton agréable qui surplombe la baie retrouvée complété par une navette en bus. En revanche, du fait de sa configuration, la circulation dans le bourg abbatial est toujours aussi complexe. De ce que j’ai vu, il ne semble plus y avoir d’habitants permanents, les maisons étant occupées par des boutiques, restaurants et, selon les porteurs de valises à roulettes, des locations Airbnb. L’abbaye, encore occupée, elle, par une petite communauté religieuse (invisible du public), est toujours aussi magique, avec son incroyable empilement de constructions, véritable tour de Babel où s’entendent aussi toutes les langues. Comme dans beaucoup de lieux touristiques désormais, la masse des visiteurs oblige toutefois à des cheminements complexes, cadrés par un personnel omniprésent et ferme. Au retour, nous avons fait un assez gros détour pour éviter les embarras (post-médiévaux...) de Paris, avec une halte à Bayeux. Là aussi, nous voulions revoir la célèbre tapisserie. Elle est bien sûr toujours aussi attrayante, la vue en vrai donnant une échelle que les reproductions ne permettent pas de saisir, tout comme elle attire le regard sur divers détails des contenus ou le mode d’assemblage de cet immense rotulus en tissu illustré, en mode paysage, de 70 m de long. Mais notre contemplation est rendue difficile par le cheminement imposé en une file indienne ininterrompue et dense des visiteurs, dont le flot est dirigé par les audio-guides aux commentaires minutés.
Pour rester en France, ce bref aperçu d’un vécu touristique personnel comprend l’essentiel des aspects liés au surtourisme : difficultés de déplacement (en voiture, train et avion lors des rushes des départs et retours de vacances), saturation en restaurants et boutiques de souvenirs, dévoiement des modes de logements (flot croissant de campings-cars, transformation de beaucoup de nos monuments en hôtel de luxe, effondrement du parc locatif permanent au profit des Airbnb), surpopulation temporaire de certaines régions ou lieux attractifs (perturbant parfois gravement la vie courante des autochtones, les chassant même par endroit) et, enfin, réduction du plaisir de la pratique des loisirs ou de la découverte des monuments et œuvres qui sont au cœur du sujet. En regard, les points positifs sont une balance commerciale largement bénéficiaire, une part non négligeable d’emplois spécifiques (7% en moyenne des actifs), un accès aux loisirs et à la culture d’un grand nombre en prolongement de la dynamique des congés payés mise en place en 1936.
Il est évident qu’il faut rééquilibrer nos activités touristiques, pour que le côté négatif croissant ne tue pas la poule aux œufs d’or. Les pouvoirs publics sont au premier plan pour ce faire. La France dispose d’un poste ministériel consacré au tourisme depuis 1930, sous la forme d'un ministère délégué ou d’un secrétariat d’État. Il a longtemps été associé aux transports et à l’aménagement du territoire, parfois du logement. Depuis 2007, il est intégré au ministère de l’Économie et des Finances, avec une parenthèse aux affaires étrangères et le développement international (2017-2022). Ce virage des années 2000 montre assez là où le bât blesse, avec une conception du tourisme avant tout comptable et secondairement d’image de la France à l’étranger. Il est temps d’y ajouter un fort volet sur la qualité d’accès aux contenus culturels et sociétaux, évitant à toute la chaîne - visiteurs, autochtones et encadrants - de vivre ce qui dans certains cas vire au cauchemar afin de retrouver le plaisir du loisir hors de chez soi. Ce rôle devrait être dévolu à un ministère du tourisme à part entière, en capacité de discuter à armes égales avec les nombreux partenaires de ce domaine, en premier lieu les patrimoines (naturels et culturels), les territoires, les transports, le logement, l’emploi.
Jean-Jacques Schwien
Le mur autour du Mont Sainte Odile
Appréhender le contexte historique du Mur païen tient plus d’un questionnement sur le sexe des anges que d’une démarche scientifique. Quand, pourquoi et par qui ce mastodonte a-t-il été érigé ? La problématique de ce mur ne peut être résolue ni par les fouilles (trop rares jusqu’ici), ni par l’analyse des tenons en bois1 ou de tout autre artéfact exhumé à proximité (preuve de leur simultanéité avec l’enceinte originale ?). Hans Zumstein (1963) : « l’enceinte construite vers la fin de La Tène ayant subi un aménagement partiel à basse époque romaine », Olivier Buchsenschutz (1995) dans un entretien sur le site : « Le Mur païen n’est pas une enceinte militaire (absence de glacis)… », Stephan Fichtl (1996) : « Le Mur païen a de fortes chances d’avoir été construit au plus tôt dans les dernières décennies du IIIe siècle… ». Les avis autorisés de ces trois chercheurs directement impliqués dans l’exploration du Mur païen sont discordants, approximatifs et finalement d’un intérêt relatif dans notre quête. C’est pourquoi, sans trahir ces auteurs, il nous a paru intéressant et pourquoi pas divertissant de publier cet essai, synthèse de nos acquis concernant un Monument historique connu (?), remisé dans les oubliettes de l’Histoire.
Le Mont Sainte-Odile, habité « par la patronne de l’Alsace », est couronné d’une enceinte cyclopéenne innommée2, indatable, qui étonne, détonne (?) et interroge par son gigantisme et son exotisme. Figé dans son passé millénaire, ce mur est un assemblage de blocs de conglomérat (roche détritique vieille de 65 millions d’années) extraits à proximité, puis montés en grand appareil autour du plateau sommital. Des agrafes en bois (tenons en double queue d’aronde), dont l’utilité a pu être mise en question tant sont disproportionnés le poids des blocs de pierre et celui du dispositif sensé les consolider et les maintenir en place, ont été datées sans que l’on ne puisse apporter la preuve de leur usage au sein du mur primitif. Prélevés in situ à la fin du XIXe siècle, redécouverts fortuitement fin du XXe siècle, 65 tenons témoigneraient ainsi de la fin de la dynastie mérovingienne et des Wisigoths en Aquitaine (680/720). Une datation par dendrochronologie confirmée par le Carbone 14 prouve que ces artéfacts ont été taillés fin du VIIe - début du VIIIe siècle, chronologie adoptée par des archéologues dont Frédérik Letterlé, sous-entendu qu’il s’agit bien là d’un matériau contemporain d’une phase de réhabilitation et non celui d’un ouvrage plus ancien érigé ex nihilo.
Pérenne place-forte ou plus vraisemblablement potentiel refuge aux défenses ostentatoires, redondantes à l’inverse des ressources en eau, de toute évidence insuffisantes en cas d’afflux massif de réfugiés, ce mur était la parade des populations indigènes de Moyenne Alsace face à une menace exogène identifiée, sa concrétisation pluri-annuelle excluant de facto tout danger imminent.
Si le concept de « Mur païen » surgit de nulle part vers la fin du XIe siècle, un des premiers plans du Mur est décrit sous la plume de Johann Peter Müller qui, dès 1603, propose une esquisse de la partie méridionale, la Bloss, ainsi que de l’acropole. L’intérêt de ce document est donc plus anecdotique que topographique. Dès lors, vont se succéder des caricatures plutôt que des plans durant le XIXe siècle (de Schweighaeuser en 1825 à Robert Forrer en 1899) et le XXe siècle jusqu’au mémoire de soutenance de diplôme d’ingénieur de Christian Guthmann en 1983. Ce plan apporte une expertise dont les archéologues peuvent tirer profit lors de sondages lorsqu’il s’agit de localiser des mises au jour d’artéfacts ou d’éléments architecturaux initialement enfouis. En 1995, a débuté le dernier repérage topographique, en numérisation tridimensionnelle par photogrammétrie de haute définition, un outil capable de faire « parler » enfin (?) ce mur. Entre temps, des fouilles ont eu lieu avant et après la publication de la thèse de Guthmann, mais leurs résultats n’ont jamais été à la hauteur des espérances de leurs auteurs. Des sondages par géoradar effectués sur la Grossmatt, le grand pré au nord-ouest en contrebas de l’acropole, ont en revanche révélé un réel potentiel archéologique que l’Évêché de Strasbourg, propriétaire du site, a ignoré en interdisant définitivement toute fouille sur ce terrain3 (mense épiscopale).
Si nous ne savons pas quand, ni pour quelles raisons le mur primitif a été construit, nous pouvons présumer en revanche que ce dernier ne l’a pas été sous la menace (chantier pluri-annuel) ; de plus, son élévation en bordure du plateau sommital (absence de glacis) en a fait plus un repoussoir qu’une invitation à l’escalade. Les fouilles (Forrer 1898-1899, Reinerth 1940-1943, Zumstein 1963-1972 et 1991, Buchsenschutz, Fichtl 1994-1995), à l’exception des exhumations sauvages à fortiori bien plus nombreuses, n’ont jusqu’ici produit aucun artéfact au sein même du mur permettant de répondre aux questions en suspens. Ainsi fut « disqualifié » le denier d’Élagabal, daté du début du IIIe siècle, extrait de l’humus sylvestre en 1995 à hauteur de la grotte d’Étichon, quelques centimètres en deçà du rempart. De fait, il est désormais inutile de labourer la terre le long du mur ou de démonter une partie ou même l’ensemble des blocs de pierre (300 000 blocs d’un poids moyen de 200 kg chacun) en quête de la clé de l’énigme, les sentiers jouxtant l’ouvrage ayant été piétinés et scrutés par des générations de fouineurs, le moindre interstice entre deux blocs ayant été dûment inspecté et vidé le cas échéant de son contenu coincé là par hasard. Ce prélèvement sauvage peut être considéré comme un véritable désastre à supposer qu’il aurait permis de dater l’ouvrage ainsi saccagé. En somme, la problématique du Mur païen est le fruit des pillages successifs que ce site a subi depuis des siècles.
L’observation attentive du terrain, en particulier à proximité de la Porte de Barr au nord-ouest de la Bloss, peut toutefois nous renseigner sur l’antériorité ou non du mur sous l’occupation romaine. Cette porte a été aménagée par des exécutants ayant été au contact de l’occupant (présence de tuiles romaines/tegulae, et d’un coin de carrier en fer). On observe deux murs rentrants d’une longueur de huit mètres, perpendiculaires au rempart, formant un couloir non pavé de direction sud-ouest, nord-est, large de 2,70 m. Entre les jambages de la porte surmontée d’une voûte (exhumation d’un claveau), se distingue le seuil antique par la disposition de trois blocs de conglomérat érodés sans ornière. Le dédoublement du mur rentrant est (épaisseur 3 m) permet de conclure à l’existence d’un escalier droit menant à un potentiel chemin de ronde. Ce montage n’est rien d’autre que le soubassement d’un édicule en bois au toit à double pente, recouvert de tuiles, à l’abri duquel un ou plusieurs guetteurs surveillaient tout en la protégeant l’issue en question. Les murs rentrants sont eux aussi montés en pierres sèches, sans liant, mais les encoches en queue d’aronde ne sont ici plus en connexion. Il s’agit là de matériau de remploi issu du rempart lui-même à hauteur de la porte. Sept autres issues ont été aménagées selon le même principe ce qui démontre que le mur primitif avait été parfaitement hermétique plutôt dans sa vocation de refugium que dans celle d’un oppidum (Hans Zumstein)4.
L’appropriation du sommet de ce massif par Rome5 au début du IVe siècle est vraisemblablement un « remake » d’un épisode de la Guerre des Gaules (58-51 av. J.-C.) au cours duquel César a repoussé les Germains d’Arioviste outre-Rhin au nord de Sélestat à un jet de pierre du futur Mont Sainte-Odile. Rappelons que l’Alsace-Lorraine, au premier siècle avant. J.-C. était occupée du nord au sud et d’ouest en est, par les Médiomatriques (Gaule Belgique, chef-lieu Metz/ Divodurum), les Triboques (autour de Brumath/Brocomagus), les Leuques (Vosges actuelles, chef-lieu Toul/Tullum) et par les Rauraques (chef-lieu Augst/Augusta Raurica), voisins des Séquanes à l’ouest et des Helvètes au sud, qui jouxtaient au nord le territoire triboque à hauteur de l’actuelle ville de Sélestat. Détail important : des milliers de tessons de céramique attribués à cette dernière cité ont été exhumés au sommet du Mont Sainte-Odile.
À l’instar des Cimbres, des Teutons, des Suèves, des Helvètes et de nombreux autres peuples germaniques, les Triboques, en quête d’espace vital, se sont emparés de la majeure partie du territoire des Médiomatriques vers 57 avant J.-C., vraisemblablement avec l’aval ou même à la demande de César lui-même. Dès l’origine soumise à Rome, leur cité gagna son autonomie sous Auguste, afin de constituer une sorte de glacis destiné à renforcer la frontière rhénane de l’Empire. Face au remuants et imprévisibles Germains, César, dès la fin de la guerre, assura ainsi momentanément l’étanchéité de cette frontière, plus tard le limes, grâce aux Triboques et à… ( ?) l’édification d’un ouvrage défensif, le Mur païen, alors ultime refuge potentiel des cités de la vallée du Rhin les quelques décennies ayant précédé l’ère commune.
Le Mont Sainte-Odile est une forteresse naturelle que la population indigène a mis à profit depuis le Néolithique (Michelsberg). Le plateau sommital, avec une acropole d’une superficie de 3,6 ha, a été désolidarisé de celui du Beckenfels- Maennelstein dès la fin du Bronze Moyen (éperon barré). Se succèdent durant le dernier millénaire avant J.-C les siècles obscurs des deux Âges de Fer pendant lesquels se multiplient les prétextes à conflit (essentiellement durant la transition du Hallstatt à La Tène, 450 avant J.-C.). Nous savons aussi que les moyens humains considérables nécessaires à l’érection du Mur, la maîtrise d’une technologie inédite issue d’ailleurs, enfin, la perspective d’un chantier pluri-annuel (au moins cinq ans), ces conditions réunies rendent la construction de cet ouvrage inimaginable en temps de guerre. La fin de La Tène III peut donc être désignée comme candidate logique à cette entreprise gigantesque. Construction de novo (50-40 avant J.-C.), opérations de restructuration ou de réhabilitation aux IIIe-IVe siècles après J.-C. sous les coups de boutoir des barbares venus de l’est puis, à la fin du VIIe siècle sous la menace de destruction du couvent de la fille aînée du duc d’Alsace6.
Parce qu’anonyme (mur païen est un nom générique), gigantesque avec ses 10,5 km de long et d’un âge indéfinissable, le mur ceinturant cette montagne intrigue et interroge : qui étaient les bâtisseurs, quelles ont été les raisons de leur choix ou de leurs contraintes architecturales ? Que voulaient-ils défendre ou, au contraire exhiber ? L’ouvrage achevé, a-t-il rempli son rôle ou au contraire était-il obsolète dès son entrée en fonction ? Mille questions restent sans réponses. Mais le charme de ce mur n’est-il pas de fait dans ce questionnement ? Quitte à le rompre, nous proposons un scénario qui n’est peut-être pas aussi fictionnel qu’il n’y paraît.
1. Tenon : gros bouchon en bois de chêne, matériau organique qualifié pour une tentative de datation par C 14 par ex., de section rectangulaire, d’abord saturé en eau, puis coincé dans un évidement en forme de queue d’aronde, afin de stabiliser un ouvrage dont les blocs de pierre sont assemblés sans liant, mais sensé résister aux coups de bélier ou à toute autre machine de guerre mise en œuvre lors d’un assaut.
2. Extrait d’une bulle apocryphe dont Léon IX a hérité près d’un siècle après sa mort, le concept de « Mur païen », tel un “décor Potemkine”, nous mystifie plus qu’il ne nous informe.
3. Fouiller au Mont Sainte-Odile n’est jamais anodin, car nous progressons là en terrain à haut potentiel de provocation picrocholine entre propriétaires et intervenant.
aux origines incertaines disséminés dans les forêts vosgiennes, un mur à usage domestique et à l’échelle de toute une population regroupant trois ou quatre cités du nord-est de la Gaule (Moyenne Alsace) une aire de repli fortifiée, un refugium permettant d’abriter plusieurs milliers d’êtres humains et d’animaux en cas de danger.
Empire : la présence de milliers de tessons de tuiles de fabrication romaine (tegulae) au niveau de la Grossmatt, le pré à l’ouest de l’acropole. À l’exception des tuiles, la céramique romaine est en revanche très rare, à l’inverse de dizaines de milliers de tessons abandonnés au sommet par les Gaulois durant le deuxième Âge de Fer, par ordre décroissant, des Rauraques, des Leuques, enfin des Médiomatriques confrontés au envahissants Triboques. (Muriel Roth-Zehner 2010- en dehors de quelques rares potins des Leuques, la présence de non moins nombreuses pièces de monnaie romaine, des plus anciennes à l’effigie de Vespasien (69-79) ou Domitien (81-96) aux plus récentes ornées du portrait de l’empereur Valentinien (364-375), pièces récoltées essentiellement au sommet de la montagne et objets de « chasses au trésor » dès le XVIIIe siècle.
4. Si le Mur est constitué de huit à dix assises de bancs rocheux assemblés sans liant mais reliés entre eux par des agrafes en bois en forme de double queue d’aronde que les carriers enserraient dans des encoches préalablement creusées au niveau du bord supérieur de chaque bloc. Les dispositions erratiques de nombreuses encoches, visibles au niveau du parement par exemple, signent la reconstruction de certains tronçons au IVe puis au VIIe siècle (versant occidental).
5. L’occupation de ce massif par l’armée romaine est attestée par plusieurs indices ; les légions vont désormais devoir ferrailler à de multiples reprises avec des voisins pour le moins remuants, inaugurant ainsi une époque trouble appelée Bas- Empire :
- la présence de milliers de tessons de tuiles de fabrication romaine (tegulae) au niveau de la Grossmatt, le pré à l’ouest de l’acropole. À l’exception des tuiles, la céramique romaine est en revanche très rare, à l’inverse de dizaines de milliers de tessons abandonnés au sommet par les Gaulois durant le deuxième Âge de Fer, par ordre décroissant, des Rauraques, des Leuques, enfin des Médiomatriques confrontés au envahissants Triboques. (Muriel Roth-Zehner 2010).
- en dehors de quelques rares potins des Leuques, la présence de non moins nombreuses pièces de monnaie romaine, des plus anciennes à l’effigie de Vespasien (69-79) ou Domitien (81-96) aux plus récentes ornées du portrait de l’empereur Valentinien (364-375), pièces récoltées essentiellement au sommet de la montagne et objets de « chasses au trésor » dès le XVIIIe siècle.
- le Mur est constitué de huit à dix assises de bancs rocheux assemblés sans liant mais reliés entre eux par des agrafes en bois en forme de double queue d’aronde que les carriers enserraient dans des encoches préalablement creusées au niveau du bord supérieur de chaque bloc. Les dispositions erratiques de nombreuses encoches, visibles au niveau du parement par exemple, signent la reconstruction de certains tronçons au IVe puis au VIIe siècle (versant occidental).
6. En introduction, nous évoquons le déclin du royaume Wisigoth dans la deuxième moitié du VIIe siècle, corollaire de l’avancée fulgurante de l’Islam dans tout le bassin méditerranéen, l’actuel territoire espagnol compris, parallèlement à l’achèvement du Dôme du Rocher à Jérusalem par le calife omeyyade Abd al- Malik (691), menace qui n’est peut-être pas étrangère à la consolidation de la muraille circonscrivant le camp central désormais siège du couvent, menace toutefois jugulée par Charles Martel à Poitiers en 732 (un siècle après la mort du prophète Mahomet).
Francis MANTZ
Chronique des sites Internet - Les incendies dans l'Histoire
Les dégâts de l’incendie de Notre Dame de Paris en 2019 sont en passe d’être gommés, avec une inauguration des parties restaurées annoncées pour dans quelques semaines. Cet incendie nous avait bouleversé et notre Lettre d’information du moment avait rappelé les divers incendies qui avaient touché notre cathédrale à Strasbourg. Mais après cette inauguration, que va faire la communauté scientifique qui a beaucoup œuvré pour compléter l’histoire de Notre-Dame ? Eh bien peut-être des études approfondies des incendies de ces grands monuments, parce qu’il est apparu qu’à part quelques monographies, comme celle relatant le désastre de Reims en 1914, les destructions par incendie, avec leurs conséquences matérielles mais aussi socio-politiques sont le parent pauvre de la recherche. Le point de départ pourrait en être le tour d’horizon d’un site web très bien fait, intitulé "Les incendies dans l’histoire. Fiches thématiques", intégré au blog soutenu par le CNRS des "Scientifiques au service de la restauration de Notre-Dame de Paris". Ces fiches, signées par les spécialistes de nos monuments romans et gothiques tels Éliane Vergnolle, Arnaud Timbert et surtout Alain Villes, ancien conservateur du patrimoine à Reims, sont au nombre de 18. Elles couvrent tout l’hexagone et quelques autres lieux, avant tout des cathédrales mais aussi des abbayes. Elles se composent d’une notice présentant la chronologie des destructions, complétée par des figures suggestives, parfois même des photos des dégâts pour les événements les plus récents. Une bibliographie sommaire renvoie, bien entendu, aux informations primaires. L’ensemble est impressionnant, montrant que nos grands monuments ne sont pas seulement des prouesses techniques et architecturales, mais ont aussi attiré la foudre, au sens propre le plus souvent, donnant lieu à chaque fois à une renaissance, comme Notre-Dame. D’autres articles de ce même blog informent également sur les recherches engagées au cours de la restauration sur les matériaux et divers aspects de Notre-Dame, en prélude sans aucun doute à des publications de synthèse.
https://www.scientifiquesnotre-dame.org/incendies-dans-l-histoire
Jean-Jacques Schwien
Chronique des sites Internet - Cours d'initiation à l'archéologie suisse
La revue Archéologie Suisse, comme Archeologia en France, informe le grand public des découvertes et avancées en matière d’archéologie. Elle propose aussi une série de manuels portant sur toutes les périodes intitulés du Paléolithique au Moyen Âge (SPM), diffusés évidemment sous forme de publications. Le dernier de la série, centré sur le Moyen Âge et l’époque moderne de la Suisse romande (1350/1850) est complété par des cours en ligne gratuits sur YouTube. Ils se déclinent en huit chapitres, très illustrés, d’une durée de 30 à 50 min, à la fois sur certaines méthodes (la dendrochronologie), les divers types d’habitats (ruraux et urbains), le funéraire, la culture matérielle (vaisselle, monnaie, mobilier métallique ou bois), suivis à chaque fois d’une discussion animée par un responsable de la revue. Même si la Suisse romande peut sembler loin pour la plupart des Alsaciens, les dynamiques de recherche et les résultats sont toutefois similaires à ce qu’on peut observer dans notre région. Cet ensemble de cours est surtout une introduction plaisante, didactique et bien documentée sur l’archéologie médiévale, sans égal à notre connaissance dans le monde de la vidéo.
https://www.youtube.com/playlist?list=PLekrvCvn9JDEoRHWThm3D-3Tef844NkTj
Jean-Jacques Schwien