Mathilde Villette
Une équipe nouvelle à la conservation : Après une vacance de plusieurs mois, l’équipe de conservation du Musée Archéologique de Strasbourg a totalement été renouvelée avec mon arrivée en juillet 2020 au poste de conservatrice, succédant à Bernadette Schnitzler qui l’occupait depuis 40 ans, puis avec l’arrivée en septembre 2020 d’Alexandra Cuny comme assistante scientifique. Ces prises de fonction et d’appropriation du musée ont eu lieu dans un contexte de pandémie et de fermeture des lieux de culture mais n’a pas entamé ma motivation pour faire avancer la connaissance autour des collections composées de quelques 800 000 objets et les projets du musée archéologique pour les années à venir.Notre nouvelle équipe a également pu compter sur l’appui et l’expérience de Sylvie Bucher, responsable de la médiation pour le musée qu’elle a rejoint en 2000.
J’ai été lauréate dès ma première tentative au concours 2018 de conservateur du patrimoine en spécialité musées. J’avais également tenté la même année le concours en spécialité Archéologie où j’avais échoué à la 3e place pour deux postes ouverts. Cette anecdote révèle mon parcours à mi-chemin entre les problématiques de conservation et de diffusion des connaissances par l’intermédiaire des musées et l’attachement à l’archéologie de terrain. Deux aspects tout-à-fait essentiels dans le poste du Musée Archéologique de Strasbourg, un musée de territoire en perpétuel dialogue avec les acteurs de l’archéologie en Alsace (SRA, Musées, CNRS, Université, opérateurs et associations …).
Avant d’être recrutée au musée de Strasbourg en janvier 2020, j’ai initié ma formation d’application pendant 18 mois à l’Institut National du Patrimoine à Paris et à l’Institut National des études territoriales à Strasbourg. Dans ce cadre, j’ai d’abord rejoint en stage la Direction Tourisme et Patrimoine de la Région Bretagne, puis la Conservation de Grand Patrimoine de Loire-Atlantique, institution regroupant le Musée Dobrée en cours de rénovation, le laboratoire de restauration Arc’Antique, un service départemental d’archéologie programmée et préventive et plusieurs sites patrimoniaux. Je fus ensuite accueillie comme fellow au Greek and Roman Department du Metropolitan Museum of Art de New-York puis en stage « Hors spécialité » à la DRAC-Service régional de l’Archéologie Bretagne auprès d’Olivier Kayser, ancien conservateur régional de l’Archéologie en Alsace.
Ma formation académique et professionnelle a débuté par un baccalauréat Scientifique en 2003 suivi d’une Licence en Histoire de l’Art et Archéologie à l’Université de Nantes en 2006. Durant ces premières années, j’ai effectué un stage long de trois ans au Laboratoire de Préhistoire de l’Ouest de la France qui m’a offert quelques vacations CNRS et je me suis initiée à la fouille sur des chantiers des périodes antiques et médiévales en Maine-et-Loire, en Sarthe, en Allier et aux stages post-fouilles en anthropologie funéraire, archéologie du bâti, infographie, tout en travaillant dans la grande distribution pour financer mes études. J’ai poursuivi mes études en Master à l’Université Rennes 2 puis à l’Universitàdeglistudi di Milano sur la « Romanisation » de la Gaule Cisalpine aux IIe-Ier siècles av. J.-C. à travers l’étude des lieux de culte, sous la direction de Mario Denti et de Maria-Teresa Grassi. Cela m’a donné l’occasion de fouiller une agglomération secondaire dans le Nord de l’Italie en 2006 avant de rejoindre l’équipe de fouilles du site gréco-indigène de l’âge du Fer de l’Incoronata, dans le Sud de l’Italie en 2007 où l’on m’a alors proposé d’en devenir responsable de secteur l’année suivante.
Cette même année 2008, je deviens également responsable de secteur sur un chantier médiéval à côté de Nantes. Devant la richesse des problématiques du site de l’Incoronata et de la possibilité de travailler à la fois sur la fouille et sur le mobilier exhumé, j’ai poursuivi avec une thèse de doctorat portant sur les ateliers de potiers de l’âge du Fer en Italie méridionale, soutenue en 2017 à l’Université Rennes 2 et à l’UniversitàdeglistudidellaBasilicata sous la direction de Mario Denti, de Massimo Osanna et de Maria-Chiara Monaco. Pour mener à bien ce projet non contractuel, j’ai bénéficié de plusieurs bourses de mobilités dont celles de l’École Française de Rome pendant 5 mois, de l’Université Franco-italienne et du collège doctoral international de l’UEB. Ces années de thèse ont également débuté par un stage en céramologie romaine à l’Inrap qui m’a ouvert la porte de plusieurs contrats en archéologie préventive pendant presque 2 ans, d’abord sur la fouille de l’oppidum gaulois de Moulay puis sur la fouille de la villa romaine de Noyal-Châtillon-sur-Seiche, avec l’Inrap.
Parallèlement, j’ai débuté des vacations comme chargée de cours en Histoire de l’Art et Archéologie et en recherche documentaire au sein des Universités de Rennes 2, Rennes 1 et Nantes, pendant 6 ans. À la suite de ces expériences et d’un bref passage en enseignement CFA, j’ai été recrutée en 2018 comme ingénieure d’études en analyse des sources historiques et culturelles au Centre François Viètede l’Université de Bretagne Occidentale spécialisé dans l’Histoire des sciences et des techniques, les Humanités Numériques et la valorisation du Patrimoine.Mes missions portaient surla sauvegarde, la conservation et la valorisation du patrimoine historique et culturel de l’arsenal de Brest, sous contrôle de la DRAC-Monuments Historiques Bretagne et du Service Historique de la Défense, en collaboration avec le service de l’Inventaire.
Pendant 15 ans, je me suis également investie au sein d’associations d’histoire et d’archéologie, notamment Alter Ego Rennes, dont l’objectif était de participer à la promotion et la valorisation de l’archéologie dans le bassin rennais par l’intermédiaire d’expositions, d’activités de médiation et la réalisation de documentaire. Ainsi, j’ai pu aborder par la fouille ou par le post-fouilles presque toutes les périodes archéologiques en France et en Italie, depuis le néolithique jusqu’au XIVe siècle, ce qui constitue un atout pour appréhender la diversité des collections du musée archéologique de Strasbourg sans en être spécialiste. C’est la raison pour laquelle j’entends toujours m’appuyer sur les experts de ces périodes à l’échelle locale pour avancer dans la connaissance et la mise en valeur de ces objets.
La conservation du Musée Archéologique de Strasbourg est engagée dans plusieurs projets à plus ou moins brève échéance.Elle travaille en particulier à l’élaboration de son nouveau Projet Scientifique et Culturelen espérant que celui-ci pourra déboucher sur une refonte du parcours permanent du musée.Notre équipe de conservation collabore étroitement avec le Service Éducatif et Culturel à des projets visant à diversifier les publics venant habituellement au Musée et à valoriser les collections. En ce sens, nous tendons à poursuivre les activités Hors-les-Murs et travaillons notamment sur : - Une nouvelle offre de visite s’adressant aux tout-petits, dès 3 ans. Cette visite co-construite avec des classes test de maternelle est proposée depuis la rentrée 2021. À terme, l’objectif sera d’accueillir également les crèches afin de proposer dès le plus jeune âge un contact avec le musée, les objets pour en désacraliser le lieu et en faire un endroit du quotidien.
- La création d’un évènement « ludique et innovant » en soirée, toujours en lien avec les collections.
- Une nouvelle visite préhistoire à destination des collégiens.
Deux expositions temporaires mettant en lumière des découvertes récentes sur le territoire alsacien sont prévues à l’horizon 2023 et 2024. La création d’un espace semi-permanent et interactif sur l’Homme et son milieu en Alsaceest également en cours de conception laissant par intermittence un espace pour une mise en lumière plus précise de certains objets ou ensembles conservés au musée.
En ce qui concerne la gestion des collections, l’accent est mis sur l’informatisation (et la mise en ligne) des collections à ce jour encore trop lacunaire et sur un chantier des collections en vue de leur déménagement au sein des nouvelles réserves mutualisées des musées de la Ville de Strasbourg, à côté des opérations courantes d’entretien des collections, d’inventaire et de récolement.
Notre équipe espère également pouvoir réaliser dans les années à venir la numérisation des inventaires historiques du musée et travailler sur la valorisation du fonds de la bibliothèque du musée, notamment en collaboration avec les équipes SUDOC de la BNU.
Les demandes d’étude sur les collections sont nombreuses (environ 2 à 3 demandes hebdomadaires) et l’accueil des chercheurs comme la régie qui en découle fait partie du travail quotidien de l’équipe de conservation. Un travail au long cours qui permet d’offrir au public une connaissance renouvelée et à jour autour des objets présentés. Les collections du musée sont aussi très sollicitées par les autres musées européens où elles prendront place au sein d’expositions d’art et d’archéologie aux thématiques variées et passionnantes en 2021, 2022 et 2023 (actuellement « Face à Arcimboldo » au Centre Pompidou Metz et bientôt autour du « Mystère Mithra » à Mariemont puis Toulouse).