Acteurs du patrimoine

De Butler Bruno

Propos reccueillis par Maxime Werlé

Bruno de Butler (né en 1949) est le président dynamique et engagé de l’Association pour la sauvegarde de la maison alsacienne (ASMA), qui œuvre en faveur de la protection des anciennes maisons villageoises et rurales d’Alsace, des savoirs-faires et des matériaux de constructions traditionnels. Il s'efforce de sensibiliser les propriétaires de ces maisons à ce patrimoine architectural remarquable, afin qu’ils soient en mesure de le conserver, de l’entretenir, de le restaurer (sans le défigurer) et de le transmettre aux générations futures. Le site internet de l’association (http://www.asma.fr) est une mine remarquable d’informations, susceptibles de rendre bien des services aux personnes intéressées par les maisons traditionnelles d’Alsace. Bruno de Butler est également délégué régional pour l’association Maisons paysannes de France (http://www.maisons-paysannes.org). Il a bien voulu se prêter au jeu que nous lui avons proposé : revenir un moment sur son parcours et ses engagements associatifs.

D'où vous vient votre passion pour le patrimoine ?

Ma passion pour les vielles maisons me vient certainement de ma famille : enfant, mes parents ont réhabilité une maison en Bretagne, et ma mère, d’origine suédoise, était particulièrement intéressée par le patrimoine, par le mobilier rural traditionnel et par les « arts et traditions populaires ».

J’étais l’aîné de 10 enfants, et je participais déjà de temps en temps aux travaux. Ma famille s’est installée en Alsace dans les années 1960. En 1980, j’ai moi-même fait l’acquisition, avec mon épouse, d’une ancienne ferme à Schwindratzheim, où je m’étais installé pour vivre.

Nous l’avons aménagée en gîte, en faisant beaucoup de travaux nous-mêmes et en recourant autant que possible à des matériaux naturels.

Quel a été votre parcours de formation ?

Je ne suis pas un professionnel du patrimoine. J’ai mené toute ma carrière professionnelle dans le domaine de la banque, en Alsace et pendant quelques années à Besançon.

Par ailleurs, j’ai toujours été intéressé par les sciences historiques, par exemple lorsque j’étais étudiant à Sciences-Po. Je me considère comme un amateur dans le domaine du patrimoine, et je me place dans le sillage de personnalités marquantes, telles qu’Hubert d’Andlau (un des membres fondateurs de l’ASMA), Francis Wendling (président de l’ASMA de 2007 à 2009) ou encore, mais sans le connaître bien, Marc Grodwohl (à l’origine de l’Ecomusée d’Alsace à Ungersheim).

Au sein de l’ASMA, à laquelle j’ai adhéré dans les années 1980, je me suis engagé de façon plus prononcée depuis que je suis en retraite.

D’abord simple adhérent, je suis par la suite devenu trésorier, et j’en suis le président depuis avril 2014. J’ai aujourd’hui un rôle d’animateur de la vie de l’association. Je me suis attelé à redynamiser l’association, à créer une forme d’effervescence autour du patrimoine rural, à aller au-devant des gens, des propriétaires, des amateurs et des pouvoirs publics.



C’est un engagement pour lequel je m’investis quasiment à plein temps.

Que pensez-vous que votre action apporte au patrimoine régional ? Quel sens lui donnez-vous ? Quels sont les principes qui vous guident ?

Je considère que l’art populaire est vraiment de l’art. L’art du quotidien n’est pas un art mineur. Il mérite de continuer à vivre dans la vie « réelle », il y a toute sa place, toute sa pertinence, autrement que dans des musées. Vivre aujourd’hui dans une maison ancienne n’est pas quelque chose de facile, tant les besoins matériels et les conditions de l’existence ont été bouleversés en quelques décennies.

Pourtant, ce riche patrimoine mérite que l’on prenne soin de lui, d’autant que, contrairement à beaucoup d’habitations d’aujourd’hui, on y goûte une certaine qualité de vie. Les traces des hommes y sont partout visibles, pour peu que l’on sache les voir et s’y intéresser.

Alors que le rythme des destructions de maisons anciennes s’accélère, avec de mauvais exemples donnés par certaines municipalités elles-mêmes, le patrimoine mériterait d’être aussi bien protégé que la nature et l’environnement. Dans le domaine du patrimoine, les pouvoirs publics se réfugient trop souvent, à mon sens, derrière les obstacles techniques et administratifs et derrière le respect de la propriété privée.

Avec un peu de persévérance et en n’hésitant pas à être mordant lorsque c’est nécessaire, nous devrions essayer de faire en sorte que notre voix compte autant dans la défense du patrimoine que celle des associations écologistes dans la défense de l’environnement.

D’ailleurs, nos maisons traditionnelles, essentiellement construites en bois, en terre et en pierre, sont éminemment écologiques et compatibles avec l’idée de développement durable.

Bruno De Butler