Acteurs du patrimoine

Jean-Claude Goepp, un architecte passionné d’archéologie

Propos reccueillis par Bernadette Schnitzler et Jean-Jacques Schwien

Jean-Claude Goepp est bien connu du monde des archéologues de la région. Architecte de profession, il trouve toujours du temps pour se rendre sur des fouilles, avant tout romaines, pour regarder, discuter, conseiller. Il râle parfois, quand les choix en amont ou sur les chantiers ne lui semblent pas judicieux, ce qui peut énerver certains. Mais c’est toujours pour la bonne cause. Comme Obélix, il est tombé dedans tout petit, grâce à une famille d’agriculteurs qui labourait des champs parmi les plus riches d’Alsace, en termes de monnaies et tessons antiques. À partir de cette « collectionnite » familiale, il a développé une réflexion singulière sur notre rapport au passé, mêlant les connaissances scientifiques apportées par le terrain à la transmission au public par son engagement associatif et ses réalisations d’architecte au service des musées. Sans lui, nous n’aurions pas eu la même exposition « Vivre au Moyen Âge », un moment fort dans le développement de l’archéologie nationale. Et le tout avec un sens du dialogue et de l’amitié qui sont tout à son honneur.

D’où vient ton intérêt pour l’archéologie ?

Mes grands-parents et parents habitaient à Bourgheim, village du vignoble près de Barr, connu depuis longtemps comme un site antique. Schoepflin en parle déjà et de tout temps les gens y ramassaient des tessons, des monnaies ou d’autres objets. Ils trouvaient même des vases entiers en creusant les silos pour stocker les betteraves pendant l’hiver. C’était aussi le cas de mes parents, et comme ils avaient les champs aux « bons endroits », il n’y a pas eu d’année sans ramassage de monnaies ou fibules. Ma mère a été la première à s’y intéresser sérieusement et a voulu identifier les monnaies recueillies. Elle s’est donc rendue un jour chez le numismate Poinsignon à Strasbourg et y a acheté son premier livre sur les monnaies romaines. Auguste expédition pour une agricultrice, mais qui permettait aussi de flâner au Magmod ! Ça tombait bien, la première monnaie qu’elle avait trouvée était un as de l’empereur Auguste. Elle l’a tellement nettoyée qu’elle brille encore aujourd’hui comme si elle avait été cirée. En 1968, elle a aussi été la première à nous emmener voir une fouille, en l’occurrence celle d’une étuve romaine réalisée sous la direction d’Erwin Kern avec des étudiants campant sur un de nos prés.

Mais ce n’est qu’en 1977 que j’ai pu mettre la main à la pâte. Un de nos voisins avait signalé une structure bizarre dans la paroi de l’accès au garage d’une première maison du lotissement dit du Burggartenreben. La Direction des Antiquités historiques y avait dépêché un drôle de type, distant et réservé, chapeau sur la tête, à l’allure d’un Indiana Jones, pour dégager ce qui s’est révélé être un four de potier. Il s’agissait du même Erwin Kern que plus haut. J’avais alors 18 ans et étais en première année d’architecture, au Palais du Rhin. Il m’a fallu quelques jours pour entrer en confiance avec ce monsieur. J’ai d’abord dû montrer que je savais manier une pelle, mais ce sont surtout mes capacités d’élève-architecte en termes de relevés ou dessins sur papier millimétré qui l’ont séduit.

L’aménagement du lotissement s’est poursuivi en 1978, avec les premières excavations pour le réseau des rues donnant lieu à une suite ininterrompue de découvertes. J’ai traîné sur ces terrains avec E. Kern dès que je le pouvais, week-end compris. J’ai en effet pu profiter de deux premières années très buissonnières à l’École d’architecture, du fait d’équivalences obtenues pour des stages en architecture réalisés au cours de mes études au lycée Couffignal. C’est ainsi que j’ai fouillé (avec ou sans lui) maintes structures, le plus souvent des fours de potiers gallo-romains, des chambres de chauffe, des caves, des latrines, des voies, des dépotoirs. Il m’est arrivé d’y fouiller très fréquemment jusqu’à la tombée de la nuit et même de prendre en flagrant délit les détectoristes qui voulaient piller le site après le départ d’E. Kern. C’est ainsi que j’ai appris beaucoup de choses, E. Kern ayant un vrai don pour lire et comprendre l’organisation d’un site tout comme la fonction des structures mises au jour. La construction du lotissement s’étant étalée sur plus de dix ans, nous avons pu établir un plan général du vicus. Je continue d’ailleurs aujourd’hui encore à venir faire des observations lors des diagnostics et fouilles, désormais assurés par les opérateurs d’archéologie préventive.

Tu as soutenu un diplôme en architecture un peu particulier. Peux-tu nous en dire plus ?

Oui, en effet. Le sujet portait sur l’aménagement de sites archéologiques. Il m’avait été soufflé par François Pétry, directeur des Antiquités historiques d’Alsace, à qui ce thème, encore très peu abordé à cette époque dans l’enseignement de l’architecture, tenait à cœur. Je l’avais rencontré parce que l’école d’architecture était basée au Palais du Rhin comme la DRAC et que j’y passais une partie de mes journées dans le sous-sol avec E. Kern. Notre premier contact s’est fait autour de maquettes que je réalisais déjà dans le cadre de mes études. Une première concernait un four, pour une exposition montée par E. Kern ; une autre concernait le site protohistorique du Hohlandsbourg pour Charles Bonnet ; une dernière, enfin, était une coupe du mithraeum pour le musée de Biesheim. F. Pétry, à son tour, m’a mis à contribution pour la ferme T du Wasserwald. L’idée de protéger et de mettre en valeur les sites archéologiques remarquables lui trottait déjà dans la tête. Aussi m’a-t-il fait travailler des semaines entières pour imaginer une protection durable pour le mithraeum de Biesheim ou la mise en valeur de l’ensemble du site de Wasserwald.

C’est donc à la suite de ces premiers contacts qu’il me proposa d’en faire mon sujet de diplôme. C’était également une première pour l’École d’architecture de Strasbourg et cela ne plaisait pas à tout le monde : même le directeur de l’École insistait pour me faire changer de sujet. Mais j’ai été bien soutenu par le professeur Gaetano Pesce, mon directeur d’études et architecte-designer italien, qui me suivait depuis cinq ans. Les sites étudiés étaient très variés, des alignements de Carnac à l’épave romaine de la Madrague de Gien, en passant par les sites régionaux de Hohlandsbourg, du Wasserwald, du grenier à blé médiéval de Strasbourg ou du mithraeum de Biesheim. Je connais encore ces sites par cœur ! Ce travail a donné lieu à de nombreux échanges et discussions très stimulantes avec Gaetano Pesce et François Pétry. Le mémoire a été soutenu en 1984 devant un jury de quatre personnes, composé de R. Recht, J.-C. Margueron, P. Weber et D. Leconte, ce dernier étant alors architecte à la Sous-direction de l’Archéologie à Paris. Ce fut un moment épique… et même iconoclaste, avec un débat musclé au sein du jury lui-même ! Mais c’est un autre sujet…

Comment ta carrière d’architecte a-t-elle débuté ?

En fait, j’ai l’impression qu’elle a démarré dès ma naissance. Jusqu’à l’âge de 14 ans, j’ai passé des journées à creuser des fondations, à monter des murs ou à couvrir des toitures. Dans une ferme comme celle de mes parents, tout se fabriquait en réelle autonomie. Je me souviens avoir été réveillé à quatre heures du matin pour couvrir un toit en échappant au soleil écrasant d’un mois de juillet. Nous sommes très manuels et, en plus, toute ma famille a un don pour dessiner et peindre. Ma mère, fille unique qui avait été privée d’études, ne voulait pas que je reprenne la ferme. Elle m’avait inscrit en classe de seconde au lycée Couffignal pour démarrer le cursus de collaborateur d’architecte. Il allait de soi, qu’avec mes stages obligatoires, je devais travailler dans des agences d’architecture tous les samedis, toutes les vacances, et même parfois les jours fériés. Ce qui, soit dit en passant, me rendait en même temps complètement autonome financièrement : en ce temps-là, j’aurai déjà pu ouvrir une agence, parallèlement à mes études.

Afin d’échapper au service militaire classique, j’ai accepté de faire mon service en tant que coopérant à Biskra, en Algérie. Je garde un souvenir extraordinaire des visites de Timgad, Tipaza, Djemila et bien d’autres encore. J’étais aux anges, il y avait des ruines romaines partout. Initialement F. Pétry voulait m’envoyer à Karnak, en Égypte, mais des problèmes à la direction de l’IFAO ont fait capoter cette opération. Heureusement, j’y serais sans doute encore.

À mon retour, je me suis installé un premier mai, fête du travail. J’ai pris le parti de travailler seul, parfois avec l’un ou l’autre assistant ou étudiant. Mes premiers clients avaient attendu mon retour avec impatience. De nombreuses propositions de travaux ont donc afflué, aussi bien pour des particuliers que pour des institutions, avant tout grâce au bouche-à-oreille. Il est important pour moi que le courant passe avec mes interlocuteurs et j’ai eu la chance de travailler en général avec des gens que j’apprécie et que j’aime bien. Cela a été l’occasion de belles rencontres et de solides amitiés se sont nouées à travers les années.

Tu as eu l’occasion de continuer à réaliser de nombreuses maquettes de sites archéologiques ?

Oui, certaines ont été faites en plusieurs exemplaires et, au total, j’ai dû en faire plus d’une centaine, concernant des périodes chronologiques très variées, mais avec toutefois une prédilection pour l’époque romaine. Il s’agissait de commandes du Service Régional de l’Archéologie, de musées ou de collectivités territoriales, parfois sur des délais assez courts. Comme dit, j’en avais déjà fait tout au long de mes études.
Mais l’impulsion à titre professionnel a été donnée par Bernadette Schnitzler, avec la commande du camp légionnaire de Strasbourg. Elle a été réalisée en à peine quatre semaines, grâce à l’aide fournie par l’importante documentation d’E. Kern, pour l’exposition du bimillénaire de la Ville de Strasbourg : « - 12. Aux origines de Strasbourg », organisée par le Musée archéologique en 1988. Elle a été livrée … la veille de l’inauguration et est entrée ensuite dans les collections du musée, où la salle consacrée à l’armée romaine a été organisée autour d’elle.

L’exposition « Vivre au Moyen Âge. Trente ans d’archéologie médiévale en Alsace », présentée par le même musée dans la grande salle de l’Ancienne Douane en 1990, a aussi nécessité la réalisation d’une dizaine de maquettes. J’ai continué à en faire régulièrement ensuite pour le Musée archéologique tout comme pour d’autres musées d’Alsace et de Lorraine, au fil des expositions ou des créations de nouvelles salles. J’ai parfois obtenu l’aide de Dominique Tissot, à qui j’ai transmis la fibre pour la maquette archéologique et qui en a fait son métier. La maquette de grande taille, réalisée pour le Musée alsacien et qui présente l’ensemble du site du couvent du Mont Sainte-Odile, est ma préférée ; après l’exposition consacrée à ce lieu, elle a été déposée par la Région Alsace au couvent afin de continuer à pouvoir être présentée au public. J’en suis fier : ce sont de petites pierres qu’on laisse à certains endroits. On me téléphone souvent pour me dire « on a vu une maquette de toi ».

Ta première grande exposition a donc été consacrée au Moyen Âge ?

Oui, et cela a été une première grande aventure. Dans le cadre de l’« Année de l’Archéologie » en France, en 1990, le Musée archéologique et la Direction des Antiquités avaient réunis, à l’initiative de F. Pétry, B. Schnitzler et J.-J. Schwien, une belle équipe d’archéologues médiévistes pour faire découvrir au public les nombreuses recherches faites en Alsace pour cette période qui, dans ces années-là, était encore assez peu connue : archéologie urbaine, mais aussi archéologie des châteaux, des églises et des couvents, sans oublier l’archéologie minière en plein essor. Il a fallu concevoir en peu de temps une scénographie attractive et adaptée aux 1200 m2 de l’Ancienne Douane, qui était alors la galerie d’expositions des Musées de Strasbourg. De nombreux décors ont été construits par les équipes techniques des Musées pour créer un parcours thématique et mettre en valeur les centaines d’objets présentés. L’exposition a eu un grand succès, au point que le Musée de Spire a souhaité la présenter également. Il a donc fallu l’adapter à ce nouveau lieu, ce qui n’était absolument pas prévu au départ. Cela n’a pas été évident, car le temps était très court pour ce transfert et sa réadaptation. Mais on a fini par y arriver grâce à l’engagement de tous.

Une seconde opportunité de retrouver ce vaste espace de l’Ancienne Douane, propice à la création de grandes scénographies, a été l’exposition « Strasbourg, 10 ans d’archéologie urbaine » en 1994-1995, qui présentait en particulier le résultat des fouilles liées à la construction de la première ligne de Tram. C’est là le départ d’une des facettes de mon métier consacré également à la muséographie et à la scénographie.

Les musées alsaciens ont souvent fait appel à toi ?

C’est à ma rencontre avec Claude Pache, architecte à Colmar, que je dois d’avoir eu l’opportunité de travailler avec les musées autres que Strasbourg. La Société Schongauer avait confié dans les années 1980 le réaménagement de nouvelles salles à C. Pache et ce dernier fut également sollicité par Bernadette Schnitzler, cette fois-ci pour la rénovation complète de la muséographie du Musée archéologique. Ce chantier était suivi par Daniel Gaymard, en tant qu’architecte en chef des Monuments historiques, et par François Pin, architecte-conseil de la Direction des Musées de France, dont dépendait plus particulièrement ce musée « classé », bénéficiant ainsi de larges subventions de l’État pour son réaménagement complet entre 1989 et 1992.

C’est ainsi que j’ai commencé à travailler avec C. Pache et qu’il m’a « adopté ». C’est par lui que je suis entré dans les coulisses du Musée Unterlinden à Colmar, à travers l’exposition « Trésors celtes et gaulois », sous le commissariat de Suzanne Plouin, prélude à de nombreuses expositions d’actualité archéologique à Strasbourg au cours des dernières décennies. C’est aussi avec le Musée Unterlinden, et grâce à Sylvie Ramond, que d’autres thématiques et d’autres époques ont pu être abordées dans mes scénographies. Cette période m’a ouvert les portes de nombreux musées à Besançon, à Belfort, à Nancy, à Hanau, à Wesserling, pour ne citer qu’eux. Lorsque Sylvie Ramond a quitté Colmar et a pris la direction du Musée des Beaux-Arts de Lyon, elle a continué à faire appel à moi pour la scénographie des expositions qu’elle y organisait. Quand la Région Rhône-Alpes a développé un programme d’expositions en Chine et en Afrique du Sud, S. Ramond m’a à nouveau fait confiance pour leur scénographie et j’ai ainsi eu la chance extraordinaire d’effectuer des montages à Shanghai ainsi qu’à Johannesburg en Afrique du Sud. J’ai pu renouveler cette expérience avec Frédérique Goerig avec les collections du Musée Unterlinden à Wuhan, Ghangsha, et Kunming, toujours en Chine. C’était folklorique, mais non sans charme ! J’ai dû ainsi monter plus de 130 expositions, sans compter les aménagements de musées.

Et l’archéologie dans tout cela ?

Elle n’est jamais loin avec, comme dit, une prédilection pour l’époque romaine. La collaboration avec le Musée archéologique de Strasbourg, grâce à la politique d’expositions régulières menée par ce musée durant plus de trente ans, m’a permis de découvrir de nombreuses périodes, du Néolithique à l’époque mérovingienne, en passant par l’archéologie de la Grande Guerre, les rites de la mort mais aussi les collections égyptiennes ou les nombreuses utilisations publicitaires de l’archéologie avec « Archéopub ». J’y ai aussi rencontré beaucoup d’archéologues des divers opérateurs en archéologie préventive de la région, que j’ai croisé ensuite sur les chantiers de fouille, en particulier à Brumath.

Brumath occupe une place particulière ?

Les découvertes archéologiques faites à Brumath à partir des années 1970 ont mis l’accent sur le passé antique de la ville. Après les fouilles des thermes, des fours, et caves et des voies, suivies au départ par E. Kern, et la découverte d’un important lot de statuettes romaines en bronze, une surveillance archéologique des travaux a été mise en place avec l’aide de la Société d’histoire et d’archéologie de Brumath et environs (SHABE) et son premier président Jean-Jacques Kientz. J’ai atterri par pur hasard dans cette ville, en cherchant à me loger. Un jour, la Ville de Brumath et l’adjoint à la Culture et nouveau président de la SHABE, Charles Muller, ont décidé de la création de quelques vitrines pour accueillir les statuettes en bronze, alors conservées à la DRAC, au Palais du Rhin. Là encore, c’est E. Kern qui est à l’origine de cette rencontre car c’est lui qui m’a sollicité pour le dessin de ces vitrines installées dans l’entrée de la mairie.

À partir de là, Il allait de soi que je sois invité à adhérer à la SHABE et entrer au comité. Les membres m’ont rapidement sollicité pour développer leur musée et, grâce aux nombreuses fouilles préventives, une vision générale de la ville romaine se dessine aujourd’hui. C’est exaltant. Comme j’habitais désormais Brumath, j’ai pu suivre pas mal de ces chantiers. C’étaient alors les débuts de l’archéologie professionnelle et il y a eu souvent de l’incompréhension entre les amateurs comme moi et les professionnels. Mais, par la suite, beaucoup d’archéologues sont devenus de vrais interlocuteurs, voire des amis. Des liens se sont créés au-delà de l’archéologie, jusqu’à suivre parfois leurs propres projets architecturaux.

À la satisfaction générale, les vitrines du musée s’étoffent régulièrement ; le renouvellement des collections est important pour attirer un nouveau public. Parfois, pour les sites n’ayant pas pu être fouillés entièrement faute de temps, la SHABE a eu l’autorisation de « tamiser » les déblais, amenés en un lieu où il a été possible aux membres de la société de les passer au crible. De nombreux objets quotidiens ont ainsi été retrouvés, malheureusement hors contexte, mais cela a permis au Musée archéologique de Brumath, de s’enrichir de nombreuses pièces inédites. Une présentation thématique de la vie quotidienne à l’époque romaine a pu être largement développée pour le grand public et l’accueil des groupes scolaires, pris en charge par les membres de la SHABE, en particulier par Louis Ganter, notre actuel président et l’un des membres fondateurs.

Ce qui est important pour moi, c’est tout ce qu’évoquent ces objets, ce qu’ils racontent de la vie de leurs anciens propriétaires, de ceux qui les ont fabriqués, aimés, utilisés, perdus parfois. C’est cela que j’ai envie de comprendre, car on sent cette présence humaine derrière les objets. J’y suis très sensible et cela me touche beaucoup. Je me dis parfois que je devais être un gallo-romain dans une vie antérieure !

Et le célèbre « Caveau du futur » de la place de la Cathédrale ? Tu as participé aussi à cette aventure archéologique inédite ?

Raymond Waydelich avait eu l’idée, pour conserver et transmettre la mémoire de notre époque, pour les « archéologues du futur », de concevoir un grand caveau qui ne doit être ouvert qu’en… 3790 après J.-C. Il m’a confié la réalisation technique de cette structure en béton, conçue comme une sorte de « capsule temporelle » entre le parvis de la cathédrale et le Palais Rohan. Ce projet artistique, largement soutenu par la Ville de Strasbourg, était en relation directe avec l’exposition d’« archéologie du futur », intitulée « Mutarotnegra » et présentée au Palais Rohan en 1995.
On a formé une super équipe avec R. Waydelich, B. Schnitzler et le directeur de cabinet du Maire de Strasbourg et ce projet un peu fou a pu aboutir dans d’excellentes conditions. Le public strasbourgeois a également répondu présent et de nombreux objets et messages ont été enfouis dans des conteneurs serrés côte à côte dans ce bunker souterrain. Le succès a dépassé toutes les espérances, à tel point que toutes les chaînes de télévisions nationales, et parfois internationales (allemandes, japonaises) ont relayé l’information, le soir du 2 septembre 1995, lors de la fermeture du caveau. R. Waydelich a à nouveau fait appel à moi pour un projet similaire à la Robertsau, avec une cabane en bronze scellant un caveau autour du thème des jardins familiaux. La maquette de Strasbourg, présentée place d’Austerlitz, est une autre aventure réalisée avec lui.

Un métier à multiples facettes ?

Oui, je n’ai pas relaté les autres facettes. Il faut parler aussi du volet « Monument historique » et des nombreuses études de protection de sites. Un quart de mon temps actuel est consacré aux musées, un autre à l’architecture classique que tout le monde connaît, mais une moitié m’occupe en tant qu’architecte du patrimoine, un statut acquis avec l’expérience. Je n’ai jamais voulu faire l’École de Chaillot, sans doute pour une question de liberté. Mais grâce à D. Gaymard, un pied après l’autre, les Monuments historiques m’ont happé. Châteaux, résidences, monuments divers et sites se retrouvent dans mes dossiers de protection et de restauration. Ce volet s’est également ouvert, suite à une collaboration avec DAT Conseils et F. Tacquard, qui mènent des études de protections, de faisabilités touristiques ou de réhabilitations de site. L’étendue de ces opérations est très vaste. Elles concernent aussi bien la protection des murets dans les vignobles du Beaujolais que le Cirque de Navacelles ou le lac de Longemer. Mais, pur hasard, ici aussi l’archéologie est omniprésente, comme pour la protection du site de Boviolles-Nasium, Sion-Vaudémont ou encore le Donon.

Grâce à mon métier d’architecte, j’ai pu faire de belles rencontres tout au long des années, travailler avec des personnes passionnées, dont plusieurs sont devenues des amis fidèles. Vous avez sans doute remarqué qu’une vie ne se fait pas sans jalons. Ces jalons restent dans mon cœur. Il n’est pas toujours facile aux architectes d’aujourd’hui de vivre de leur métier et j’ai eu la chance de croiser tout au long de ma carrière la route de diverses personnes qui m’ont accordées leur confiance et permis de concevoir et de réaliser de beaux projets ; je leur en suis très reconnaissant car, grâce à eux, j’ai eu, mais non, je vais continuer à avoir une belle et passionnante vie. Bientôt, l’architecte va céder sa place, mais l’archéologie, et surtout Bourgheim et Brumath, resteront mes passions. On va encore m’entendre râler sur les chantiers quelques années !

Une partie des photos éditées sur le site n'ont pas pu paraître dans la version papier, pour des raisons de place.

Jean-Claude Goepp



Vernissage au Musée Unterlinden avec l’artiste Fabienne Verdier (photo S. Pasquet)



Hohlandsbourg. Projet d’aménagement (doc. J.-C. Goepp)



Bourgheim, suivi du réseau d’assainissement du Lurtzweg. Toute ma famille est aux abords, ma mère et moi-même sommes dans la tranchée (photo E. Kern)



Wasserwald. Projet de l’observatoire vu perspective (doc. J.-C. Goepp)



E. Kern et J.-C. Goepp devant un four, dont la sole est bien conservée (photo E. Gockler)



Fouille d'un four, en arrière plan la famille Gockler et Jacques Preiss



J.-C. Goepp sur le site du "Caveau du futur" à Strasbourg (photo B. Schnitzler)



Visite guidée d'un chantier d'archéologie préventive à Brumath, devant une vue de Brocomagus (Photo L. Ganter)



C. Pache et J.-C. Goepp lors du chantier de réaménagement du Musée archéologique (photo Musée archéologique)



Maquette du camp légionnaire de Strasbourg (Doc. Musée archéologique de Strasbourg)